Verriales 2010

Polychromie

Les Verriales ont élu cette année 2010, le thème de la polychromie pour défier jusqu’au paroxysme l’expression créative des artistes internationaux sculpteurs de verre qui nous font l’honneur de présenter tous les ans leurs œuvres dans notre galerie d’art.
Le concept de polychromie nous vient du grec ancien pour signifier plusieurs couleurs.
Depuis l’Antiquité hellénique, les peintres peignaient déjà avec plusieurs couleurs comme Bularque de Lydie, huit siècles avant Jésus-Christ. On a tendance à croire que toutes les statues étaient monochromes, couleur du marbre blanc. Or, elles étaient la plupart du temps polychromes, réalisées avec des matériaux divers comme la Minerve du célèbre Phidias ou peintes avec des couleurs éclatantes et décorées de riches ornements comme le pratiquaient aussi déjà les Assyriens, les Babyloniens ou les Phéniciens.
C’est la nature qui nous a donné la perception et l’envie des couleurs en nous offrant à voir un monde polychrome, ceci dans la limite de nos capacités visuelles qui ne nous permettent que la perception des longueurs d’ondes des couleurs comprises entre 400 à 700 nanomètres, de l’ultraviolet à l’infrarouge. Mais dans notre spectre visible, nous avons cependant la chance de percevoir des milliers de couleurs différentes.
Et depuis les premières représentations rupestres, l’homme a appris à reproduire les couleurs que la nature offrait à sa vue : fleurs et végétaux, minéraux, poissons, arcs-en-ciel, couchers de soleil… Il a fabriqué des couleurs à partir de pigments et de colorants extraits de végétaux, de minéraux pilés ou d’animaux, sans oublier les pigments artificiels d’aujourd’hui.
Le monde est couleur et la couleur est pleinement intégrée à notre vie sociale. Elle est un signe d’identification, de statut social, d’émotions et de sentiments. La couleur est signe de vie.
Le choix d’une ou plusieurs couleurs est un repère universel, comme le rouge est l’interdit et le vert le permis. Les drapeaux, les produits et les marques, les églises, les partis politiques, pour ne citer que quelques exemples, ont choisi des couleurs permanentes qui les identifient autant que leur nom, leur logo ou leur forme.
La couleur est signe de statut social et de fonction dans la société. Stendhal en a joué dans plusieurs de ses ouvrages, notamment dans le Rouge et le Noir où la vie de Julien Sorel est tantôt associée à la couleur noire de la religion ou à la couleur rouge de la carrière militaire, tout comme la couleur de la Légion d’Honneur aujourd’hui.
La couleur est aussi symbole de noblesse et de pouvoir comme le jaune qui a toujours été utilisé depuis les temps les plus reculés, pour marquer l’autorité au travers de l’or, ce métal prisé pour sa couleur, sa brillance et sa rareté.
Plus on voulait montrer la hauteur de sa position dans la hiérarchie sociale, plus on utilisait la polychromie comme dans les masques mortuaires égyptiens, les tombeaux ou les fresques et mosaïques des riches demeures romaines.
Sur un autre plan, l’homme utilise aussi les couleurs pour traduire ses émotions ou ses sentiments : être vert de peur, rouge de honte, être noir d’ivresse ou voir la vie en rose. La couleur est partout dans l’expression de nos sentiments : le rouge couleur sang traduit la passion, le vert comme la nature la naissance, le bleu comme le ciel l’esprit et la pensée, le jaune comme le soleil l’invention, la découverte, l’intuition.
Signe d’identification, signe d’appartenance, signe d’émotion, la couleur est aussi signe d’événement : les couleurs du deuil, noir ou blanc, les peintures de guerre ou de fête, les feux d’artifice et même le maquillage.
Les écrivains se sont aussi essayés à associer le code des lettres au code des couleurs comme Arthur Rimbaud dans son poème Voyelles : A noir, E blanc,
I rouge, U vert, O bleu.
Bien sûr tous les peintres s’en sont donnés à cœur joie en exploitant la polychromie à l’infini, dans ses milliards de combinaisons. Je me contenterai de ne citer que le trop fameux Joan Miro qui a voué sa vie à une profonde passion pour les couleurs qu’il a véritablement libérées pour nous léguer des toiles, des céramiques et des sculptures de couleurs tellement inimaginables que Desnos disait de lui qu’il était « mirobolant ».
Les artistes verriers se sont emparés eux aussi, de la polychromie en lui ajoutant une quatrième dimension.
Leurs œuvres sont en trois dimensions, mais la transparence du verre donne à leur sculpture cette quatrième dimension unique que l’on ne peut retrouver dans aucune autre forme d’art ou de matière.
Avec leurs couleurs changeantes et irisées au gré de l’intensité de la lumière, de son incidence ou de sa couleur, les sculptures de verre semblent avoir emprisonné des couleurs vivantes pour nous offrir à chaque regard une nouvelle perception de l’œuvre.

Je remercie tous mes amis artistes pour leur talent qui leur ouvre l’éternité dans la mémoire des Arts.



Serge Lechaczynski et Jean Eskénazi

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Les oeuvres de l'exposition